Entre 2014 et 2019, en France, selon un récent rapport de la cour des comptes, le nombre moyen de jours de congé pour maladie des agents publics a augmenté de 21%, passant ainsi de 10 jours à 12 jours.
Ce rapport souligne également la grande complexité des différents régimes de prise en charge des arrêts maladie des fonctionnaires. Il préconise une simplification, notamment par la suppression de la distinction entre congé de longue maladie et de longue durée [1].
Dans l’attente d’une telle réforme, cet article se propose de présenter plus spécifiquement le congé de longue maladie.
Ce congé présente plusieurs avantages, énumérés dans les statuts des trois versants de la fonction publique [2]:
– Il permet au fonctionnaire de conserver son plein traitement pendant un an, puis son demi traitement pendant deux ans. Il est donc plus protecteur qu’un congé de maladie ordinaire, qui permet le maintien d’un plein traitement pendant trois mois, puis du demi traitement pendant neuf mois ;
– Même si son régime est moins favorable que le congé de longue durée, il peut être attribué pour n’importe quelle pathologie ;
– Même si son régime est moins favorable que le congé pour invalidité temporaire imputable au service, il peut être attribué pour des pathologies sans lien avec le service.
Dans le cadre de cet, article, nous nous intéresserons donc, dans un premier temps, aux conditions d’octroi de ce congé (I), puis à la procédure qui doit être suivie pour l’analyse des demandes des fonctionnaires le sollicitant (II).
I) Les conditions d’octroi du congé de longue maladie
Les conditions d’octroi d’un congé de longue maladie sont identiques pour les trois versants de la fonction publique.
Ainsi, pour être susceptible d’être prise en charge au titre d’un congé de longue maladie, une pathologie doit présenter trois caractéristiques :
– 1: Mettre le fonctionnaire dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions ;
– 2: Rendre nécessaire un traitement et des soins prolongés ;
– 3: Présenter un caractère invalidant et de gravité confirmée.
En cas de recours contre une décision de refus de ce congé, les juridictions administratives contrôleront la réunion de ces trois critères[3].
De manière générale, c’est surtout la troisième qui donne souvent lieu à débats devant les juridictions administratives. En effet, lorsqu’un fonctionnaire sollicite un congé de longue maladie, il est en arrêt de travail, et suit souvent un traitement médical.
Une exception peut cependant exister, lorsque l’employeur conteste le bien fondé des arrêts de travail posés par son agent, et soutient qu’il est apte à reprendre du service. Ainsi, la première condition peut, dans ce cas spécifique, tout de même prêter à débat[4] [5].
Sur la troisième condition, relative au caractère invalidant et de gravité confirmé, le juge administratif procède à une appréciation au cas par cas. Il se fonde alors sur les différents éléments médicaux produits au dossier. Il n’existe donc pas réellement de critère juridique, au l’aune duquel les juges vont considérer ou non que la pathologie de l’agent présente une gravité confirmée.
Au titre des éléments médicaux de nature à démontrer l’existence d’une pathologie d’une gravité confirmée, on peut citer, dans l’ordre croissant de force probante :
– un certificat médical du médecin traitant, reconnaissant que la pathologie est d’une gravité confirmée et nécessite l’octroi d’un congé de longue maladie[6];
– un certificat médical d’un médecin spécialisé dans la pathologie de l’agent, reconnaissant l’imputabilité au service de la pathologie [7];
– une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, du fait de la pathologie justifiant les arrêts de travail[8]
– l’expertise réalisée par le médecin agrée, préalablement à l’avis du comité médical sur l’octroi du congé de longue maladie[9];
– l’avis rendu par le comité médical, préalablement à l’adoption de la décision [10];
– l’avis rendu par le comité médical supérieur, en cas de recours contre l’avis du comité médical réalisé par l’agent [11];
– l’expertise rendue par un expert judiciaire désigné par la juridiction administrative [12].
Un autre élément d’appréciation, pour établir la réalité de la gravité d’une pathologie, est le type de maladie justifiant les arrêts de travail du fonctionnaire.
En effet, des arrêtés ministériels établissent des listes indicatives des pathologies pouvant justifier l’octroi des congés de longue maladie[13].
Le premier de ces arrêtés a été publié pour la fonction public de l’Etat, puis a été étendu aux deux autres versants de la fonction publique[14].
Cette liste comprend aujourd’hui 17 types de pathologie, dont les cinq pathologies pouvant justifier l’octroi d’un congé de longue durée. On peut citer, au titre des pathologies les plus fréquentes figurant sur cette liste :
– les maladies cardiaques et vasculaires ;
– les rhumatismes chroniques invalidants, inflammatoires ou dégénératifs ;
– les maladies mentales, qui intègrent notamment les syndromes anxiodépressifs graves [15].
Lorsqu’une pathologie justifiant un arrêt de travail correspond à une pathologie citée sur ces listes, l’octroi du congé maladie ordinaire est facilité [16].
Ainsi, on peut presque parler de présomption de gravité pour les pathologies se trouvant sur les listes, permettant au fonctionnaire de se présenter devant le juge avec un dossier médical un peu moins fourni.
Cependant, le congé de longue maladie peut parfaitement être accordé pour une pathologie ne figurant pas sur cette liste[17]. Une attention particulière devra cependant être apportée à la démonstration de la gravité de la pathologie.
Après avoir vu les conditions d’attribution du congé de longue maladie, il convient désormais d’étudier la procédure à suivre pour bénéficier de ces dispositions.
II) La procédure d’octroi du congé de longue maladie
La procédure d’octroi du congé de longue maladie est strictement encadrée par les trois décrets relatifs aux congés de maladie dans la fonction publique.
Elle comprend de nombreuses garanties, dont le non-respect entraîne presque systématiquement l’annulation des décisions en cas de recours.
Tout d’abord, afin de décrire cette procédure, il convient de rappeler qu’il appartient au fonctionnaire de présenter une demande de congé de longue maladie[18]. Cette demande doit être accompagnée d’un certificat médical du médecin traitant, affirmant que l’agent peut bénéficier d’un congé de longue maladie.
En l’absence d’une telle demande, le fonctionnaire ne pourra reprocher à l’administration l’absence d’octroi d’un congé de longue maladie. En effet, l’administration n’est pas tenue d’examiner d’office si l’état de santé d’un agent justifie l’octroi de ce congé[19].
Elle dispose en revanche de cette faculté, à condition de respecter la procédure applicable à l’octroi des congés de longue maladie[20].
Cependant lorsque l’agent formule une demande de congé de longue maladie, l’employeur doit se prononcer sur cette demande[21].
Avant de statuer sur cette demande, l’employeur public doit saisir le comité médical [22].
L’agent sera expertisé par un médecin agréé, compétent dans la pathologie de l’agent[23].
Il sera ensuite informé par le secrétariat du comité médical :
– de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ;
– de la possibilité pour lui de se faire communiquer son dossier, et de faire entendre le médecin de son choix ;
– des voies de recours possibles de l’avis du comité devant le comité médical supérieur[24].
La violation de ces dispositions donnera lieu, en cas de contestation de la décision de refus de placement en congé de longue maladie, à son annulation[25].
Cependant, lorsque l’agent est informé de l’existence de ces garanties, il lui appartient de les solliciter[26].
Le médecin du travail ou du service de médecine préventive du lieu d’affectation de l’agent devra également être informé de cette réunion[27].En cas de contentieux, il appartient à l’administration de démontrer que cette formalité a correctement été réalisée, sous peine d’annulation de la décision finale[28].
La composition du comité médical est encadrée. Il doit comprendre deux praticiens de médecine générale et un praticien de la pathologie dont est atteinte l’agent[29]. Un vice dans cette composition entache d’illégalité la décision finalement adoptée [30].
L’administration ou le fonctionnaire peuvent faire appel de cet avis devant le comité médical supérieur[31].
Les avis rendus sont consultatifs et ne lient pas l’administration, qui peut donc prendre une décision contraire. Dans l’hypothèse où la décision finale laisse entendre que l’autorité administrative s’est crue liée par l’avis, cette décision est illégale[32].
La décision doit également être motivée. En effet, elle entre dans ma catégorie des décisions qui refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour les obtenir, au sens de l’article L.211-2 du code des relations entre le public et l’administration.
La décision peut être motivée directement, ou par référence à l’avis du comité médical. Dans ce dernier cas l’avis doit être correctement motivé, pour permettre le contrôle du juge administratif [33]. Ainsi, le secret médical n’exonère pas le comité de la motivation de son avis[34].
Il convient enfin de souligner que le congé de longue maladie est accordé pour une durée limitée, pouvant aller de trois à six mois[35].
Dans ce cadre, il appartient au fonctionnaire de solliciter le renouvellement de ce congé un mois avant son expiration [36].
Une nouvelle procédure sera mise en œuvre pour le renouvellement de ce congé. Cette procédure est similaire à celle applicable pour l’octroi initial du congé de longue maladie. Ainsi, l’ensemble des garanties procédurales précitées doivent également être respectées à l’occasion de ce renouvellement[37].
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[1] « La rémunération des agents publics en arrêt maladie », rapport de la Cour des Comptes de juin 2021, https://www.ccomptes.fr/fr/documents/56748
[2] Article 34 3° de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984
Article 57 3° de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale
Article 41 3° de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.
[3] Voir, pour un exemple de reprise de ces trois critères, CAA LYON, 30 janvier 2020, req. n°18LY01540 ou encore TA MELUN, 27 octobre 2015, req. n°1504683 ;
[4] Voir, pour des exemples de ce type, CAA BORDEAUX, 24 juillet 2018, req. n°16BX02199 ou encore CAA NANCY, 5 juillet 2016, req. n°15NC00829.
[5] Pour plus d’information sur le contrôle des arrêts maladie des fonctionnaires, voir https://paul-gouy-paillier-avocat.com/le-controle-des-arrets-de-travail-des-fonctionnaires/
[6] Voir notamment TA NANTES, 27 avril 2016, req. n°1307934
[7] Voir notamment CAA LYON, 29 septembre 2020, req. n°18LY01837
[8] Voir notamment TA NANTES, 27 avril 2016, req. n°1307934
[9] Voir notamment CAA LYON, 25 février 2021, req. n°19LY01956
[10] Voir notamment CAA NANCY, 5 juillet 2016, req. n°15NC00829
[11] Voir notamment CAA BORDEAUX, 29 septembre 2020, req. n°18BX04212
[12] Voir notamment TA GRENOBLE, 11 décembre 2012, req. n°1005409
[13] Pour les fonctionnaires de l’Etat, Article 28 du décret n°86-442 du 14 mars 1986
Pour les fonctionnaires territoriaux, Article 19 du décret n°87-602 du 30 juillet 1987
Pour les fonctionnaires hospitaliers, Article 18 du décret n°88-386 du 19 avril 1988
[14] Pour l’arrêté initial dans la fonction publique d’Etat, voir l’arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l’octroi des congés de longue maladie.
Pour l’arrêté étendant ces dispositions à la fonction publique territoriale, voir l’arrêté du 30 juillet 1987 relatif à la liste indicative des maladies pouvant ouvrir droit à un congé de longue maladie (régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux).
Pour l’arrêté étendant ces dispositions à la fonction publique hospitalière, voir l’arrêté du 1 août 1988 relatif à la liste indicative des maladies pouvant ouvrir droit à un congé de longue maladie pour les agents de la fonction publique hospitalière.
[15] En ce sens, voir notamment CAA MARSEILLE, 2 octobre 2018, req. n°16MA04568 ou encore TA LILLE, 29 juin 2010, req. n°0903648J.
[16] Pour un exemple d’octroi d’un congé de longue maladie pour une pathologie inscrite sur les listes, en dépit d’avis médicaux contraires, voir notamment CAA BORDEAUX, 17 janvier 2017, req. n°14BX02411
[17] Pour un exemple, voir notamment CAA LYON, 30 janvier 2020, req. n°18LY01540.
[18] Pour les fonctionnaires de l’Etat, voir l’article 35 du décret n°86-442 du 14 mars 1986
Pour les fonctionnaires des collectivités territoriales, voir l’article 25 décret n°87-602 du 30 juillet 1987
Pour les fonctionnaires hospitaliers, voir l’article 24 du décret n°88-386 du 19 avril 1988
[19] Pour un jugement allant en ce sens, voir TA NIMES, 19 mai 2016, req. n°1401655.
[20] Voir en ce sens CE, 8 avril 2013, req. n°341697
[21] Pour un jugement allant en ce sens, voir TA LILLE, 25 novembre 2015, req. n°1401123
[22] Pour les fonctionnaires de l’Etat, voir l’article 7 du décret n°86-442 du 14 mars 1986
Pour les fonctionnaires des collectivités territoriales, voir l’article 4 décret n°87-602 du 30 juillet 1987
Pour les fonctionnaires hospitaliers, voir l’article 7 du décret n°88-386 du 19 avril 1988
[23] Pour les fonctionnaires de l’Etat, voir l’article 35 du décret n°86-442 du 14 mars 1986
Pour les fonctionnaires des collectivités territoriales, voir l’article 25 décret n°87-602 du 30 juillet 1987
Pour les fonctionnaires hospitaliers, voir l’article 24 du décret n°88-386 du 19 avril 1988
[24] Pour les fonctionnaires de l’Etat, voir l’article 7 du décret n°86-442 du 14 mars 1986
Pour les fonctionnaires des collectivités territoriales, voir l’article 4 décret n°87-602 du 30 juillet 1987
Pour les fonctionnaires hospitaliers, voir l’article 7 du décret n°88-386 du 19 avril 1988
[25] Voir en ce sens TA PAU, 28 février 2014, req. n°1201762
[26] Voir CE, 6 mars 2015, req. n°368186
[27] Pour les fonctionnaires de l’Etat, voir l’article 18 du décret n°86-442 du 14 mars 1986
Pour les fonctionnaires des collectivités territoriales, voir l’article 9 décret n°87-602 du 30 juillet 1987
Pour les fonctionnaires hospitaliers, voir l’article 9 du décret n°88-386 du 19 avril 1988
[28] Voir en ce sens CAA PARIS, 4 juillet 2018, req. n°13PA03471
[29] Pour les fonctionnaires de l’Etat, voir les article 5 et 6 du décret n°86-442 du 14 mars 1986
Pour les fonctionnaires des collectivités territoriales, voir l’article 3 décret n°87-602 du 30 juillet 1987
Pour les fonctionnaires hospitaliers, voir l’article 5 du décret n°88-386 du 19 avril 1988
[30] En ce sens, voir TA PARIS, 7 janvier 2020, req. n°1814255
[31] Pour les fonctionnaires de l’Etat, voir l’article 9 du décret n°86-442 du 14 mars 1986
Pour les fonctionnaires des collectivités territoriales, voir l’article 5 décret n°87-602 du 30 juillet 1987
Pour les fonctionnaires hospitaliers, voir l’article 8 du décret n°88-386 du 19 avril 1988
[32] En ce sens, voir CAA LYON, 22 août 2018, req. n°15LY03185
[33] Voir en ce sens CE, 31 mai 1995, req. n°114744 ou encore TA NANTES, 29 avril 2010, req. n°0701587.
[34] Voir en ce sens CE, 31 mai 1995, req. n°114744 ou encore TA NICE, 12 février 2015, req. n°1201566
[35] Pour les fonctionnaires de l’Etat, voir l’article 35 du décret n°86-442 du 14 mars 1986
Pour les fonctionnaires des collectivités territoriales, voir l’article 26 décret n°87-602 du 30 juillet 1987
Pour les fonctionnaires hospitaliers, voir l’article 25 du décret n°88-386 du 19 avril 1988
[36] Ibid
[37] Ibid