Le recours pour excès de pouvoir est l’action par laquelle un requérant sollicite l’annulation d’un acte administratif. Cette action en justice relève, en principe, des juridictions administratives [1].
Dès son origine, dans un objectif de sécurité juridique, le recours pour excès de pouvoir a été enserré dans des délais restreints.
L’objet du présent article est de présenter ces délais, et plus spécifiquement pour les recours contre les décisions individuelles.
Dans un premier temps, nous étudierons le délai de recours de principe de 2 mois, en cas d’indication des voies et délais de recours (I). Dans un second temps, nous nous attarderons sur le délai de recours de principe d’un an, en l’absence d’indication des voies et délais de recours (II)
I) Un délai de recours de deux mois, en cas d’indication des voies et délais de recours dans la décision
Le délai de recours de principe contre les actes administratifs est de deux mois [2]. Pour calculer ce délai, encore faut-il être capable de déterminer son point de départ (A), et sa fin (B).
A) La définition du point de départ du délai de 2 mois
Le point de départ de ce délai de deux mois n’est pas l’adoption de l’acte administratif, mais sa publicité. Cette publicité est différente pour les actes individuels et les actes réglementaires.
Pour les actes individuels, c’est-à-dire les actes s’appliquant spécifiquement à une ou plusieurs personnes, et ayant vocation à être appliqués un nombre restreint de fois, le point de départ du délai de recours est la notification de la décision à la ou les personnes concernées[3].
Cette date est d’ailleurs celle à laquelle l’acte individuel commencera à produire ses effets[4].
Les modalités de notification des décisions individuelles ne sont pas précisées par les textes. Cependant, la lettre recommandée avec accusé de réception est le mode de notification le plus utilisé. En effet, elle permet à l’administration d’obtenir une preuve de la notification de sa décision. Ainsi :
– dans le cas où la lettre recommandée est remise en mains propre, le délai de recours de deux mois commence à courir immédiatement à compter de cette remise[5] ;
– dans le cas où la lettre recommandée n’est pas remise en mains propres, un avis de passage est laissé au destinataire, et les voies et délais de recours commencent à démarrer à compter du retrait du pli[6];
– dans le cas où la lettre recommandée n’est jamais retirée, après une notification infructueuse, la présentation est réputée avoir été réalisée le jour de la première présentation du pli [7];
D’autres modes de notification sont acceptés. Cependant, il appartiendra toujours à l’administration de garder un élément de preuve permettant d’établir la réalité de cette notification. En effet, en cas de contentieux, c’est à l’administration de démontrer le dépassement des voies et délais de recours[8].
La remise en main propre de la décision peut aussi être utilisée. Pour se réserver une preuve de la notification de la décision, l’administration demandera au destinataire de la décision de signer un document attestant de la date de réception de l’acte[9].
Si le destinataire de la décision refuse la notification, et d’apposer sa signature sur le document présenté, cette circonstance ne fera d’ailleurs pas obstacle au démarrage des délais de recours [10]. L’administration devra garder une preuve écrite de cette notification infructueuse, dont les mentions feront foi jusqu’à preuve contraire[11].
B) La détermination de la fin du délai de 2 mois
Une fois déterminé le point de départ du délai de deux mois, il est nécessaire de savoir à quelle date ce délai expirera.
Comme l’ensemble des recours juridictionnels, le délai de deux mois s’entend comme un délai franc. Concrètement, cela signifie que lorsqu’une décision a été notifiée le 18 mars 2009, le délai expire le 19 mai 2009, soit 2 mois + 1 jour après la décision [12].
Également, en vertu des règles applicables aux délais francs fixées par l’article 642 du code de procédures civiles, dans le cas où le jour auquel expire le délai de recours est un samedi, un dimanche ou un jour férié, le recours peut être introduit jusqu’au premier jour ouvrable suivant [13].
En cas de violation de ces règles le recours pour excès de pouvoir enregistré devant les juridictions administratives est irrecevable. Il sera donc rejeté, sans que le fond du litige ne soit examiné.
Cependant, ce couperet ne peut tomber qu’en cas de mention, dans la décision litigieuse, des voies et délais de recours.
II) Un délai de recours d’un an, en cas d’oubli par l’administration des voies et délais de recours dans la décision
Afin de contrebalancer le caractère restreint du délai dans lequel un recours peut être introduit contre une décision administrative individuelle, le code de justice administrative impose que ce délai ait été mentionné dans la notification de la décision[14].
Pour être complète cette mention doit comprendre :
– une indication correcte du délai de recours de deux mois. Toute erreur quant à la durée de ce délai rend la notification incomplète [15];
– l’indication de la nécessité d’un recours préalable obligatoire, si ce dernier est prévu par un textes[16];
– l’indication de la compétence des juridictions administratives en cas de recours direct possible[17];
– en revanche, la juridiction compétente territorialement ne doit pas forcément être indiquée [18].
Il n’est pas rare qu’une décision ne comprenne pas ces mentions. Cette absence peut avoir plusieurs causes :
– l’administration a oublié de les indiquer ;
– l’administration n’avait même pas connaissance que le document qu’elle rédigeait présente les caractères d’un acte administratif.
Avant le 13 juillet 2016, la sanction du non-respect de cette disposition était drastique pour les administrations. La décision litigieuse pouvait faire l’objet d’un recours, sans qu’aucun délai ne puisse être opposé à son destinataire.
Par une décision du 13 juillet 2016, le Conseil d’Etat a modifié cet état de fait. Désormais, dans l’hypothèse où la décision administrative litigieuse a bien fait l’objet d’une notification ou a été portée à la connaissance de son destinataire, mais qu’elle ne comprend pas les voies et délais de recours, le recours pour excès de pouvoir contre la décision est en principe enserré dans un délai d’un an[19].
En revanche, une erreur quant à ces mentions n’a toujours pas pour effet d’affecter la légalité de la décision litigieuse[20]. Une décision ne saurait donc être annulée en justice, en raison de l’absence d’indication des voies et délais de recours.
Certaines juridictions ont déjà affirmé que ce délai d’un an est également un délai franc. Ainsi, pour une décision notifiée le 15 juin 2015, le délai expirera le 16 juin 2016[21].
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[1] Conseil Constitutionnel, 23 janvier 1987, Décision n°86-224
[2] Article R.421-1 du code de justice administrative
[3] Voir par exemple CE, 13 juillet 2016, n°387763
[4] Article L.221-8 du code des relations entre le public et l’administration
[5] Pour un exemple, voir par exemple TA POITIERS, 2 mai 2012, n°1000735
[6] CE, 2 mai 1980, n°18391
[7] CE, 24 avril 2012, n°341146
[8] Ibid
[9] Voir par exemple TA MELUN, 30 novembre 2010, n°0803390
[10] CE, 10 mai 2017, n°396279
[11] CE, 25 mars 2013, n°352586
[12] Pour un exemple de ce principe, voir notamment CAA PARIS, 23 janvier 2014, n°11PA03013
[13] Pour un exemple de ce principe, voir notamment CAA MARSEILLE, 12 juin 2018, n°18MA00833
[14] Article R.421-5 du code de justice administrative
[15] CE, 8 janvier 1992, n°113114
[16] CE, 24 septembre 2010, n°335190
[17] CE, 15 novembre 2006, n°264636
[18] Pour un exemple, voir TA Nîmes, 20 décembre 2007, n°0622910
[19] CE, 13 juillet 2016, n°387763
[20] Pour un exemple, voir CAA VERSAILLES, 23 mai 2019, n°18VE00769
[21] CAA PARIS, 5 juin 2018, n°17PA02606