Le contentieux disciplinaire des élèves du second dégré

 

Dans le domaine du droit public, si le contentieux disciplinaire des fonctionnaires est aujourd’hui bien connu des professionnels du droit et largement encadré par la législation et la jurisprudence, il en est autrement pour le contentieux disciplinaire des élèves du second degré.

Cette différence est principalement due au caractère moins habituel de ce contentieux, les enjeux étant souvent moins importants.

En effet, en matière de contentieux disciplinaire des élèves des établissements du second degré, la sanction la plus grave pouvant être appliquée est celle d’exclusion définitive de l’établissement.[1]  Le faible retentissement des autres sanctions (exclusion temporaire de huit jours, avertissement, blâme) nous conduira d’ailleurs à nous concentrer principalement sur cette mesure.

De plus, l’exclusion n’entrainera qu’un changement d’établissement, l’instruction étant obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans[2].

Cependant, une telle mesure n’est pas sans inconvénient (perturbations des habitudes de l’enfant, trajets plus longs vers l’établissement, perte d’une option…). Ces inconvénients peuvent rendre pertinent l’exercice d’un recours contre ces décisions.

Or, le contentieux disciplinaire des élèves des établissements du second degré comprend de nombreuses subtilités.

Afin de mieux maîtriser ces subtilités, la présente étude s’articulera autour des trois phases de la procédure disciplinaire : le conseil de discipline (I), le recours devant le recteur (II), et le recours devant les juridictions administratives (III).

 

Première phase: Le conseil de discipline

 

Lorsqu’un élève n’a pas respecté les obligations fixées par le règlement intérieur de l’établissement[3], il peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire. La première phase du contentieux disciplinaire des élèves du second degré se déroule alors devant le conseil de discipline de l’établissement.

Cependant, le conseil de discipline n’est, en pratique, réuni que lorsque l’exclusion de l’élève est envisagée. En effet, le chef de l’établissement peut prononcer seul l’ensemble des autres sanctions disciplinaires[4] .

Il appartient alors au chef d’établissement d’évaluer si les faits reprochés à l’élève pourraient justifier son exclusion. Cependant, dans certains cas, il est cependant tenu de prononcer cette convocation quelle que soit la sanction envisagée. C’est notamment le cas lorsque l’élève est l’auteur de violences verbales et physiques à l’encontre du personnel de l’établissement[5].

En théorie, le déroulement du conseil de discipline est entouré d’un nombre conséquent de garanties, visant à ce que l’élève puisse présenter utilement sa défense. A ce titre, sans prétendre à l’exhaustivité, on peut notamment citer :

– la composition strictement encadrée de ce conseil[6];

– l’obligation de convocation de l’élève et de son représentant légal cinq jours avant le conseil[7];

– l’obligation d’informer l’élève des faits qui lui sont reprochés, de sa capacité de présenter une défense orale ou écrite, de sa possibilité de se faire représenter par le défenseur de son choix[8];

– l’obligation d’entendre, au cours du conseil de discipline, l’élève, ses représentants légaux et son défenseur à leur demande, deux professeurs de la classe de l’élève et les deux délégués de classe.

En réalité, il n’est pas rare que ces dispositions soient violées, sans que cela ne prête à conséquence. En effet, la violation de ces dispositions n’est pas sanctionnée par les juridictions administratives, dans la mesure où, avant d’être contrôlée par ces juridictions, la sanction doit faire l’objet d’un recours administratif préalable obligatoire devant le recteur.

La décision prise par le recteur se substituant à celle du conseil de discipline, les vices de procédures intervenus à l’occasion de ce conseil ne pourront donc être invoqués devant les juridictions administratives[9]. De ce fait, la phase du conseil de discipline peut être frustrante pour l’élève et ses parents, dans la mesure où elle peut leur laisser l’impression de ne pas les avoir mis en mesure de procéder une défense convenable.

Le conseil de discipline prononce directement la sanction applicable à l’élève, après un vote adopté à la majorité. En cas d’égalité, le chef d’établissement dispose d’une voix prépondérante[10].

L’élève est directement informé de la décision du conseil de discipline, qui sera confirmée par un courrier recommandé du même jour. Ainsi, en cas de renvoi, cette notification immédiate a pour effet de rendre la décision directement opposable à l’élève.[11]

A l’issue de cette première phase du contentieux disciplinaire des élèves du second degré, le code de l’éducation prévoit la possibilité d’exercer un recours administratif rapide contre la décision du conseil de discipline devant le recteur. Il convient désormais d’étudier les modalités de ce recours.

 

Deuxième phase : Le recours administratif devant le recteur d’académie

 

Dès sa notification, la décision du conseil de discipline peut être contestée devant le recteur d’académie. Cette contestation doit être réalisée dans un délai de huit jours, soit par l’élève ou ses représentants légaux, soit par le chef de l’établissement[12].

Ce recours ne suspend pas les effets de la décision [13]. Il est obligatoirement réalisé avant tout recours devant les juridictions administratives, sous peine d’irrecevabilité de la requête présentée[14].

La décision du recteur sur ce recours sera adoptée après l’obtention de l’avis de la commission académique [15]. Cet avis est simple, et ne sera donc pas obligatoirement suivi par le recteur.

Le déroulement de cette séance devant la commission académique se présente, sous bien des aspects, comme celui du conseil de discipline. Le code de l’éducation se contente d’ailleurs de renvoyer à ses propres dispositions relatives aux conseils de discipline, pour l’organisation des séances des commissions académiques[16].

Seule divergence notable, cette commission se compose de seulement six membres, dont le recteur d’académie ou son représentant[17].

Bien que cette commission ne rende qu’un avis simple, les règles de procédure devront être strictement respectées. En effet, en cas de violation d’une de ces règles, la décision du recteur pourra être annulée pour vice de procédure, en cas de recours ultérieur devant le tribunal administratif [18].

La décision finale du recteur devra intervenir dans un délai d’un mois, à la suite de la réception de l’appel de la décision du conseil de discipline[19].

L’ambiance de la séance de la commission académique est souvent assez bienveillante vis-à-vis de l’enfant. Ses membres, extérieurs à l’établissement scolaire et au litige, ont souvent à cœur l’intérêt de l’enfant. Ainsi, la mesure adoptée est rarement conçue comme une sanction. Leur objectif est bien plus souvent de chercher la solution qui permettra à l’enfant de reprendre une scolarité la plus normale possible.

L’intérêt de préparer cette séance est d’autant plus grand, afin d’apporter des éléments démontrant pourquoi le renvoi de l’établissement n’est pas souhaitable.

En cas de décision du recteur prononçant tout de même la sanction, il conviendra d’envisager un recours contre cette décision devant les juridictions administratives.

 

Troisième phase : Le contrôle des sanctions disciplinaires des élèves du second degré par le juge administratif

 

Les sanctions disciplinaires des élèves du second degré, sont des décisions administratives qui font griefs, et peuvent donc faire l’objet de recours devant les juridictions administratives. Ces recours pourront d’ailleurs être directement présentés par les représentants légaux de l’enfant.[20]

Le recours pour excès de pouvoir permet de demander au tribunal administratif d’annuler la sanction. En conséquence, en cas d’annulation d’une sanction de renvoi, l’élève réintègrera son ancien établissement.

Cependant, en raison des délais de jugement de ce type de recours (un à deux ans), il n’apparait pas adapté aux particularités du contentieux disciplinaire des élèves du second degré.

En effet, en cas de d’exclusion, seule une réintégration à bref délai présente un réel intérêt pour l’élève.

Pour ces raisons, le recours au référé doit s’imposer dans la plupart des situations.

Le référé liberté, prévu par l’article L.521-2 du code de justice administrative, ne paraît pas être, au regard de la jurisprudence pouvant être trouvée sur ce point, le recours le plus adapté.

En effet, il ne peut être présenté qu’en cas d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, justifiant l’adoption en urgence de mesures par le juge.

Or, si le droit à l’enseignement constitue bien une liberté fondamentale, le fait que l’élève exclu se voit présenter une solution de réinscription conduit souvent le juge à considérer que l’atteinte ne présente pas un niveau d’intensité suffisant, afin de justifier son intervention dans un délai de 48 heures[21].

Le référé suspension présente, quant à lui, plus d’intérêt.

Pour rappel, en application de l’article L.521-1 du code de justice administrative, le référé suspension doit :

– Accompagner un recours pour excès de pouvoir, présenté en parallèle ;

– Être justifié par une urgence à suspendre une décision ;

– Être dirigé contre une décision sur laquelle pèse un doute sérieux d’illégalité.

L’urgence est appréciée de manière plus souple que pour le référé liberté. En effet, le juge des référés n’est pas tenu de statuer dans un délai supérieur à 48 heures. Son ordonnance intervient, de manière générale, dans un délai d’environ un mois après sa saisine.

Cependant, dans l’hypothèse où une réinscription a été proposée à l’élève, il convient d’apporter des éléments permettant d’établir qu’une urgence existe pour l’élève de réintégrer son ancien établissement. Dans le cas contraire, le référé suspension sera également voué à l’échec[22].

Cette urgence peut notamment être caractérisée si :

– l’élève éprouve des difficultés particulières pour obtenir sa réinscription[23];

– la santé de l’élève s’est dégradée, du fait de l’angoisse liée à sa réintégration dans un nouvel établissement[24];

– du fait de son changement d’établissement, l’élève ne peut plus suivre une option dont il disposait précédemment[25].

Une fois cette condition d’urgence établie, il sera nécessaire de démontrer l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision du recteur.

Comme vu précédemment, les moyens relatifs à l’illégalité du déroulement du conseil de discipline ou pourront être utilement invoqués contre la décision du recteur.

Cependant, pourront être invoqués :

– les différents vices ayant entaché la procédure devant la commission académique d’appel,

– l’absence d’éléments probants, quant aux faits reprochés à l’élève[26],

– la disproportion de la sanction, par rapport aux faits reprochés à l’élève, le juge exerçant un contrôle normal sur ce point[27].

Sur le contrôle de la proportionnalité de la sanction, le juge s’attachera notamment à regarder si l’élève a déjà fait l’objet de sanctions intermédiaires, avant son exclusion [28].

Les bons résultats de l’élève, s’ils sont un élément d’appréciation de la proportionnalité de la mesure, ne permettent en revanche pas de contester directement la légalité de la sanction[29].

En cas de succès de cette procédure, la décision sera suspendue et l’élève réintégré. Une nouvelle procédure disciplinaire pourra cependant être diligentée à l’encontre de l’élève, afin de régulariser les vices de légalité externe, ou d’adopter une décision plus proportionnée.

Le recours pour excès de pouvoir contre la décision originelle restera pendant, et donnera lieu à un jugement ultérieur.

 

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[1] Article R.511-13 du code de l’éducation

[2] Article L.131-1 du code de l’éducation

[3] Article D.511-4 du code de l’éducation

[4] Article R.511-14 du code de l’éducation

[5] Article R.421-10 du code de l’éducation

[6] Article R.511-20 du code de l’éducation

[7] Article D.511-31 du code de l’éducation

[8] Article D.511-32 du code de l’éducation

[9] A titre d’exemple, CAA VERSAILLES, 2 juillet 2009, n°08VE00134

[10] Article R.511-27 et D.511-41 du code de l’éducation

[11] Article D.511-42 du code de l’éducation

[12] Article R.511-49 du code de l’éducation

[13] Article D.511-50 du code de l’éducation

[14] Article R.511-53 du code de l’éducation ; CE, 13 mai 1992, n°123340

[15] Article R.511-49 du code de l’éducation

[16] Article D.511-52 du code de l’éducation

[17]  Article D.511-51 du code de l’éducation

[18] Pour un exemple récent concernant une absence de communication du dossier disciplinaire, voir TA VERSAILLES, 8 juillet 2021, n°1907132, considérant n°4.

[19] Article D.511-52 du code de l’éducation

[20] Sur ces éléments, voir notamment TA MELUN, 30 décembre 2008, n°0802994, considérant n°1

[21] En ce sens, voir notamment TA VERSAILLES, 19 mars 2013, n°130318, considérant n°5, ou encore TA LYON, 26 mars 2010, n°1001802

[22] Voir par exemple TA TOULOUSE, 18 août 2014, n°1403661, considérant n°3

[23] TA PARIS, 12 septembre 2016, n°1613010, considérant n°3

[24] Ibid

[25] TA STRASBOURG, 4 juillet 2016, n°1602935, considérant n°5

[26] Voir notamment TA MELUN, 30 décembre 2008, n°0802994

[27] Voir notamment TA LILLE, 12 juin 2012, n°1104328, considérant n°2

[28] Voir notamment TA GRENOBLE, 30 décembre 2009, n°0801016

[29] Voir notamment TA MELUN, 17 mars 2015, n°1405197

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