Les recours administratifs et leurs effets sur les délais de recours

Un recours administratif est une réclamation adressée à l’administration en vue de régler un différend né d’une décision administrative[1]. De tels recours administratifs ont ainsi pour objet de trouver un terrain d’entente non juridictionnel avec l’administration.

Toute décision administrative peut faire l’objet d’un recours administratif [2].

Cette étude présente les différentes formes de ces recours administratifs (I). Elle examine également les effets de ces recours sur les délais de recours juridictionnels contre les actes administratifs (II).

 

I) Présentation des différentes catégories de recours administratifs

 

Il existe plusieurs types de recours administratifs. Il convient de distinguer entre les recours administratifs préalables obligatoires (RAPO) (A) et les recours facultatifs (B).

 

A) Les recours administratifs préalables obligatoires (RAPO)

 

Pour la contestation de certaines décisions en justice, l’exercice préalable d’un recours administratif est obligatoire. A défaut, le recours introduit directement devant les juridictions administratives sera irrecevable[3].

Ces RAPO sont très diverses, et propres à certains types de contentieux. On pense notamment au recours devant la commission de recours des militaires, obligatoire pour les militaires qui souhaitent contester les actes administratifs relatifs à leurs carrières[4].

Autre exemple, le recours préalable obligatoire contre les décisions relatives au RSA devant le président du Conseil Départemental[5].

Les délais dans lesquels ces recours administratifs préalables doivent être introduits, ainsi que les règles les entourant sont très hétérogènes. De ce fait, nous ne traiterons pas plus avant ces recours, qui ne se prêtent pas à une analyse globale.

 

B) Les recours administratifs facultatifs

 

Les recours administratifs facultatifs sont, en revanche, communs à l’ensemble des actes administratifs. Ils sont prévus à l’article L.411-2 du code des relations entre le public et l’administration. Il s’agit du recours gracieux et du recours administratif.

Par le recours gracieux, le destinataire de la décision litigieuse va la contester directement devant l’autorité qui l’a adoptée[6]. Il sollicite ainsi une deuxième instruction de sa situation.

Par le recours hiérarchique, la destinataire agit devant l’autorité à laquelle est subordonnée celle qui a pris la décision contestée[7]. Il demande donc à cette autorité de contrôler l’action de sa subordonnée.

 

II) Les effets des recours gracieux et hiérarchiques sur les délais de recours contre les actes administratifs

 

Le recours administratif facultatif interrompt le délai de recours, à condition d’être notifié à l’administration dans ce délais (A). A la suite de recours, l’administration adoptera une nouvelle décision faisant naître un nouveau délai de recours juridictionnel (B).

 

A) L’interruption du délai de recours de deux mois, en cas de notification du recours administratif dans ce délai

 

Les délais de recours contre les décisions administratives sont strictement encadrés[8]. Cependant, les recours administratifs facultatifs ont pour effet d’interrompre ces délais[9].

En revanche, certaines juridictions administratives ont retenu qu’un recours gracieux n’avait pas pour effet d’interrompre le délai raisonnable d’un an prévu par la jurisprudence Czabaj, lorsque la décision litigieuse n’avait pas fait pas mention des voies et délais de recours[10].

Le délai dans lequel doit être réalisé le recours administratif est donc le délai franc de deux mois prévu par l’article R.421-1 du code de justice administrative [11].

Le recours administratif doit parvenir à l’administration dans le délai franc de deux mois, et non être envoyé dans ce délai.

Cependant, dans l’hypothèse où l’auteur du recours a pris les dispositions nécessaires pour que son recours arrive en temps et en heure, mais que les services postaux sont responsables de son acheminement en dehors des délais de recours, certaines juridictions administratives considèrent tout de même le délai comme conservé[12].

 

B) Les suites de l’introduction du recours administratif facultatif

 

A compter de la réception du recours administratif, l’administration disposera d’un délai de deux mois pour répondre. Ce délai étant un délai administratif et non juridictionnel, il n’est pas franc.

En l’absence de réponse au recours facultatif, le silence devra être analysé comme une décision de refus[13].

La décision expresse ou implicite de rejet ouvrira un nouveau délai de recours devant les juridictions administratives de deux mois francs.

Cependant ce délai sera porté à 1 an, si le rejet du recours gracieux ne comprend pas les voies et délais de recours contentieux.

Cette position est également applicable aux rejets implicites. En effet en cas de rejet implicite, d’une demande auprès de l’administration, le délai de recours de deux mois n’est opposable qu’à la condition que l’administration ait fait parvenir à son auteur un accusé de réception l’informant des conditions de naissance d’une telle décision implicite[14].

En application de ce principe, les recours gracieux et hiérarchiques doivent également donner lieu à un accusé de réception, présentant les mentions exigées par le code des relations entre le public et l’administration. A défaut d’un tel accusé de réception, le recours juridictionnel pourra être introduit dans un délai d’un an à compter de la naissance de la décision implicite de rejet du recours administratif[15].

 

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[1] Article L.410-1 1° du code des relations entre le public et l’administration

[2] Article L.411-2 du code des relations entre le public et l’administration

[3] Article L.410-1 4° du code des relations entre le public et l’administration

[4] Articles R.4125-1 et suivants du code de la défense.

[5] Article L.262-47 du code de l’action sociale et des familles

[6] Article L.410-1 du code des relations entre le public et l’administration

[7] Ibid

[8] Sur les délais du recours pour excès de pouvoir, voir https://paul-gouy-paillier-avocat.com/les-delais-du-recours-pour-exces-de-pouvoir/

[9] Article L.411-2 du code des relations entre le public et l’administration

[10] TA CERGY-PONTOISE, 9 mai 2019, n°1700610/3

[11] CE, 19 septembre 2014, n°362568

[12] TA PAU, 14 octobre 2014, n°1301946

[13] Article L.411-7 du code des relations entre le public et l’administration

[14] Article L.112-3 et R.112-5 du code des relations entre le public et l’administration

[15] CE, 12 octobre 2020, n°429185

 

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